you say hi
i say goodbye
Le trois septembre 1996 fut un des jours les plus heureux de Madame Baek qui, après avoir enduré d'affreuses souffrances pendant neuf mois, accoucha alors de son deuxième enfant, un garçon cette fois-ci. Son mari était moins enthousiaste, mais heureux malgré le fait qu'ils avaient désormais une bouche de plus à nourrir. Leur fille Minah, malgré son jeune âge – elle n'avait alors que deux ans –, semblait comprendre et regardait son petit frère avec de grands yeux brillants.
Sa mère sentait son intérêt et sa curiosité, elle savait qu'elle s'occuperait de lui avec tout l'amour qu'une grande sœur pouvait offrir. Elle en ferait son petit protégé, serait aux petits soins avec lui. Malheureusement, cela allait être également le jour le plus tragique pour le reste de la famille, puisque la mère rendit l'âme quelques heures après la naissance du petit garçon suite à des complications survenues au cours de l'accouchement.•○•○•○•
Il y avait depuis toujours une sensation de distance entre mon père et moi. J'avais l'impression qu'il m'évitait, mais je m'efforçais de ne pas y penser. Au fond, je savais qu'il me tenait responsable pour la mort de ma mère. Un jour, Minah partit passer le week-end chez une amie tandis que je restai seul à la maison avec mon père. Ce dernier ne m'adressa pas un regard. Au moment du dîner, sur la table, il n'y avait qu'un bol de nouilles instantanées, et il ne m'était pas destiné. “
Papa, j'ai faim,” dis-je en lui tirant la manche. “
Pourquoi est-ce qu'il n'y a qu'un seul bol ?” Me regardant enfin avec dédain, il demanda : “
Qu'est-ce que tu as fait pour mériter que je te nourrisse ?”
C'était la première fois qu'il s'adressait à moi de la sorte. D'une petite voix, je répétai : “
J'ai faim...” L'homme soupira. “
Bon.” Prenant un flacon de piment en poudre, il l'ouvrit et en versa la totalité dans le bol, qu'il poussa ensuite dans ma direction. “
Ce sera encore meilleur comme ça. Tu peux manger maintenant.” Mes yeux allèrent du bol à mon père, incertain de ce qu'il attendait de moi. “
Papa, je pense que tu as mis trop de-” “
Mange.” La voix intransigeante résonna à mes oreilles tandis que je prenais d'une main tremblante la cuillère qu'il me tendait, un rictus se dessinant sur son visage. Ignorant mes larmes et ma toux, il me força à finir. Ça brûlait tellement que je crus que j'allais mourir. Je le suppliais de me donner de l'eau, mais il se contenta de lâcher un “
T'es un homme, et tu peux même pas manger ça ? Pitoyable.” avant de m'envoyer au lit, suffoquant. J'avais sept ans.
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Minah quant à elle avait tenu la promesse qu'elle s'était faite, en prenant soin de moi et en étant toujours à mes côtés. Elle m'en était devenue indispensable. Elle était la seule en qui j'avais confiance, la seule qui ne me blâmait pas pour
ça. Quand elle était là, je n'avais pas peur.
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Un jour, Minah me présenta une amie à elle, et je fus immédiatement subjugué. Seol. C'était son prénom. Je la trouvais si jolie, si gentille, si... tout. Je profitais de la moindre occasion pour la dévorer des yeux. Je voulais mieux la connaître, mais je n'étais sûrement que le petit frère de son amie, qu'elle croisait de temps à autre sans vraiment faire attention à lui. Tout cela était totalement nouveau pour moi, mais il ne me fallut pas bien longtemps pour comprendre que c'était l'amour qui faisait que mon ventre se nouait et mon cœur se mettait à battre la chamade à chaque fois que mon regard se posait sur
elle.
Bien sûr, personne ne sut jamais rien de mes sentiments pour elle (mais je crois que Minah avait ses soupçons, sans pour autant m'en parler). Après tout, qui s'intéresserait à un gamin sans aucune expérience et qui venait tout juste d'apprendre qu'on ne tombait pas enceinte après un simple baiser ?
Je m'étais cependant juré que dans quelques années, devenu plus grand, plus viril, plus mature et tout ce qui va avec, je prendrais mon courage à deux mains pour lui avouer mes sentiments.
Mais ce jour n'arriva jamais.
Au début, je crus à une blague de mauvais goût. Je compris que c'était tout sauf ça lorsque je vis une larme courir sur la joue de mon père. Depuis tout petit, j'étais convaincu que cet homme avait une pierre à la place du cœur, alors ce fut un choc pour moi de le voir pleurer.
Ma sœur, ma seule véritable famille, était morte. Apparemment, c'était un suicide. Mais pour quelle raison ? Elle m'avait laissé derrière elle. Avais-je fait quelque chose pour la rendre malheureuse au point qu'elle ne veuille plus voir la lumière du jour ? Avant que je n'aie pu trouver une réponse à mes questions, on découvrit une lettre dans sa chambre. Dans cette lettre d'adieu, elle avait dénoncé la personne qui était à l'origine de tous ses problèmes. Je ne voulais pas y croire, et pourtant c'était bien le nom de mon premier amour qui était écrit noir sur blanc, très distinctement sur le papier légèrement gondolé par les larmes dont on pouvait encore voir des traces çà et là.
Dans sa lettre, Minah avait écrit que la souffrance qu'elle éprouvait était si profonde que plus rien d'autre n'existait. Que ça obnubilait toutes ses pensées et rien ne pouvait la soulager. Qu'elle n'avait plus aucun espoir de cesser de souffrir un jour, et que c'était ainsi qu'elle avait conclu que la mort était la seule solution. Quand je la voyais, elle avait l'air si bien, heureuse, rayonnante... Mais ça n'avait été qu'un masque, sous lequel se trouvait le visage d'une jeune fille détruite et écrasée par le désespoir. Ma sœur avait vécu l'enfer sans rien laisser paraître, souriant devant moi et riant à mes blagues idiotes. Je n'avais rien remarqué, rien dans son comportement n'indiquait que tout allait si mal pour elle...
Des jours durant, je séchai l'école. Je n'avais plus goût à rien. Elle était tout pour moi, mais elle n'était plus là. Sans oublier Ahn Seol. Rien que de penser à elle, j'avais la nausée. J'aurais été incapable de décrire exactement ce que je ressentais à ce moment-là. J'étais assailli par des émotions tellement fortes qu'elles en appelaient d'autres, me donnant l'impression de me noyer. Toute trace d'amour pour cette fille s'était évaporée après la lecture de la lettre de Minah. Comment avait-elle pu faire ça ? N'était-elle pas son amie ? Qu'avait-elle fait pour la pousser à bout ? La haine m'avait envahi et je me demandais sans cesse de quelle façon j'allais pouvoir la venger, sans toutefois trouver de solution.
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Une dispute. C'est tout ce qu'il fallut pour briser mon dernier espoir de pouvoir renouer avec mon père, de retrouver une famille, un point d'attache. “
Je sais que tu penses que maman est morte par ma faute !” “
C'est la vérité.” “
Je sais aussi que tu me hais et que tu t'en rappelles à chaque fois que tu poses les yeux sur moi. Pourquoi ne m'as-tu pas tué alors ?! Tout aurait été tellement plus simple...” L'homme m'avait alors fixé d'un regard fatigué et un ricanement s'était échappé d'entre ses lèvres : “
Je ne pouvais pas savoir que tu allais tuer Minhee. Elle est morte, et tout le monde savait que tu étais né. Comment aurais-je pu te tuer ou t'abandonner ? Ah... J'aurais dû dire que tu étais mort avec elle. Pourquoi ne l'ai-je pas fait alors ?”
C'est ainsi que j'avais pris mes affaires et quitté la maison à l'âge de seize ans pour aller vivre avec un ami dont la famille m'avait pris sous son aile. Dans un sens, j'avais eu de la chance, puisque sans eux je n'aurais eu d'autre choix que de vivre dans la rue.
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Je m'étais fait des amis avec lesquels passer le temps, m'amuser, mais je me refusais à faire réellement confiance à qui que ce soit. Je savais que je ne me laisserais pas faire comme ma sœur, mais je ne pouvais me résoudre à croire en une amitié sincère, craignant d'être trahi moi aussi. On me qualifiait de quelqu'un de sociable et facile à aborder, sympa et bien entouré. Si entouré et pourtant si seul. Sans m'en rendre compte, je m'étais paré d'un masque, au travers duquel je ne laissais paraître aucune peur. Car oui, j'avais peur. Peur de perdre un autre être cher. Peur d'être abandonné une nouvelle fois. Peur de me retrouver seul à nouveau.
Inconsciemment, je m'étais mis à chercher la reconnaissance des gens, leur attention. Je m'étais mis en tête d'aider toute personne que je pensais en difficulté quelconque. Que ce soit porter les sacs de courses d'une vieille dame ou consoler une camarade de classe au cœur brisé, ou bien encore prendre la défense d'un autre brimé par ses pairs, même si dans ce dernier cas il n'était pas rare qu'au moins l'un de nous finisse avec un œil au beurre noir.
Avec cela, j'avais décidé qu'après le lycée, j'irais à la fac pour ensuite devenir procureur ou juge, quelque chose dans le genre, une personne respectable – sans oublier que ça paie bien en plus – , alors il fallait que je sois à la hauteur de mes objectifs. J'étais conscient que faire des études de droit ne serait pas chose facile, et mes notes au lycée restaient plutôt médiocres malgré mes efforts pour remonter ma moyenne. Mais je ne voulais pas baisser les bras.
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Je ne revis jamais Seol. Non seulement elle avait commis un acte impardonnable, mais elle était également en partie responsable de ce que j'étais devenu. Le petit Hoon innocent, timide, influençable et amoureux de l'amie de sa sœur n'existait plus. Mes efforts avaient payé et j'étais désormais un étudiant en droit, avide de justice. Je savais que la seule chose qui ne changerait jamais était ma rancune à l'égard de cette fille. Cette rancune avait fait de moi un être méfiant et faux, dans un sens, mais je ne la laissais pas gouverner ma vie. Je faisais mes propres choix. C'était d'ailleurs à cause de ces derniers que j'atterrissais de temps à autre au commissariat, pensant bien faire, même si les flics n'étaient pas du même avis. Mais je finissais toujours par m'en sortir, d'une manière ou d'une autre. Malheureusement, arriva le jour ou je m'interposai face aux mauvaises personnes, et il suffit de quelques billets pour me faire renvoyer de mon université et m'offrir un aller simple pour l'île-prison, puisque j'avais refusé de plaider coupable et avais préféré leur cracher à la figure – leurs têtes à cet instant méritaient une photo ! – plutôt que d'aller contre mes principes.